En Suisse, on définit un bâtiment historique comme un objet ou un ensemble qui, isolé ou groupé, présente une valeur particulière d’un point de vue culturel, historique ou esthétique. Cette définition est inscrite dans la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) et dans les lois cantonales sur la conservation des monuments historiques.
La proportion de bâtiments dignes de protection s’élève entre 10 et 15% en Suisse. C’est une part non négligeable et il convient de réfléchir à la préservation de ces bâtiments. Vivre dans un bâtiment classé c’est être soumis aux obligations liées à la protection du patrimoine. Cela implique certaines contraintes pour les futurs travaux de transformation ou de rénovation, mais il existe des solutions.
1. Les contraintes :
Des règlementations strictes s’appliquent aux bâtiments historiques
Pour être classé bâtiment historique, un bâtiment doit répondre à certains critères, tels que :
- Son ancienneté : Il doit avoir un certain âge, généralement plus de 50 ans.
- Son importance historique : Il doit avoir été témoin d’événements historiques importants ou illustrer un mode de vie révolu ou encore symbolisant des acquis sociaux ou techniques.
- Ses qualités architecturales : Il doit présenter une architecture remarquable, typique d’une époque ou d’un style particulier.
- Sa valeur esthétique : Il doit avoir une beauté architecturale ou paysagère indéniable.
Les bâtiments historiques sont recensés dans les inventaires établis par la Confédération et les cantons. Ils bénéficient d’une protection juridique qui limite les transformations qu’ils peuvent subir. Le service en charge du patrimoine de votre canton peut vous renseigner sur les contraintes liées à un bâtiment précis.
Avant d’entamer des travaux de rénovation, de restauration ou de conservation, le processus d’autorisation est complexe et exige la collaboration avec les autorités locales et les organismes de protection du patrimoine. Si vous êtes propriétaire d’un bâtiment protégé, il est recommandé de confier les demandes d’autorisation à un mandataire spécialisé dans le domaine de la protection du patrimoine et d’effectuer une consultation préalable auprès du service des monuments et des sites. La demande de permis de construire est à déposer à la commune. Laquelle la contrôlera et la transmettra au service cantonal chargé de la conservation des bâtiments, qui établira alors un rapport d’expertise. Une fois le permis de construire octroyé, un spécialiste des monuments historiques vous accompagnera pendant toute la phase des travaux, vous et votre maître d’œuvre.
Les coûts sont souvent élevés et les aides au financement limitées
En principe, seuls les travaux de conservation-restauration obtiennent un soutien financier. L’entretien courant et les travaux destinés à garantir la sécurité publique n’entrent pas dans le cadre des subventions. On note que les maîtres d’ouvrage qui collaborent avec le service de conservation du patrimoine lors de travaux de rénovation bénéficient presque toujours d’un soutien financier.
C’est l’évaluation technique qui est déterminante. Ces aides financières concernent les travaux visant à conserver la valeur de l’immeuble et non pas ceux destinés à l’augmenter. Les coûts liés à un matériau de construction spécifique ou encore le travail d’un spécialiste peuvent être pris en charge, par exemple.
Le montant de ces aides dépend au final de la décision du service cantonal. Selon le bien et le site, les autorités prennent en charge un pourcentage qui peut se situer entre 20% et 100%. Une prise en charge totale des coûts est accordée lorsque les travaux sont nécessaires du point de vue de la conservation des bâtiments, mais pas du propriétaire.
Les propriétaires peuvent également prétendre aux subventions du Programme Bâtiments pour la rénovation énergétique.
Nécessité d’un savoir-faire et d’une expertise spécialisés
Le service cantonal chargé de la conservation des bâtiments peut, par exemple, refuser que la structure du bâtiment soit modifiée ou que des fenêtres historiques soient remplacées. Si une façade est considérée comme digne de protection, le service concerné peut imposer de repeindre les murs de la maison uniquement dans leur couleur d’origine. Il est donc nécessaire de travailler avec des artisans et entrepreneurs qualifiés possédant le savoir-faire et une expertise spécialisés pour mener à bien des rénovations de bâtiments historiques.
Gestion des changements imprévus et des découvertes
Les frais de transformation doivent être évalués par des spécialistes, il est important de considérer que pendant la rénovation d’un bâtiment historique, il est possible de faire des découvertes qui vont induire des changements de plans. Ce type de chantier requiert de la flexibilité et une collaboration étroite avec les architectes, les ingénieurs et les autorités compétentes pour faire éventuellement face à des situations imprévues.
Par exemple : la rénovation d’un plancher dans un monument historique peut se révéler plus complexe qu’on ne le pense au moment du démontage effectif. Ainsi, de nouvelles dépenses peuvent rapidement s’ajouter à ce qui était planifié.
On le voit, la rénovation d’un bâtiment historique est un chantier complexe par bien des aspects, heureusement, il existe de nombreuses solutions pour le mener à bien.
2. Les solutions pour la rénovation des bâtiments historiques
Une évaluation approfondie et une planification minutieuse sont nécessaires pour respecter les principes de conservation et intégrer les exigences modernes.
Lors de la rénovation et transformation complète de l’immeuble historique nommé “Maison Micheli” rue de l’Hôtel de Ville à Genève, les équipes d’Orion Construction ont démarré par une évaluation détaillée de l’état du bâtiment et des matériaux. L’inspection visuelle a permis d’ identifier les zones dégradées, les fissures, affaissements et autres problèmes structurels. Puis la réalisation de sondages et diagnostics non destructifs, en collaboration avec un ingénieur civil, a permis d’évaluer l’état des matériaux et la stabilité des structures.
La prise en compte des contraintes patrimoniales du quartier a constitué un défi technique majeur : l’installation d’une grue dans la cour exigüe de l’immeuble et la proximité des autres bâtiments historiques a requis un très haut niveau de précision. Des mesures de protection ont été mises en place pour éviter tout dommage aux structures adjacentes. L’installation a nécessité une planification minutieuse et l’utilisation de techniques de levage spécialisées.
Il a fallu également mettre en place des protections dans le périmètre pour garantir la sécurité des travailleurs et des passants.
Evaluation des spécificités architecturales et techniques de rénovation respectueuses du patrimoine
Bien entendu, il convient de respecter les spécificités architecturales et d’utiliser des techniques de rénovation respectueuses de la valeur patrimoniale du bâtiment.
Le principe du remplacement par similitude en est une. Dans l’exemple de la Maison Micheli, les reprises de façades ont été faites par enlèvement du mortier détérioré et application d’un nouveau mortier compatible avec les matériaux historiques, en respectant les couleurs et textures originales.
Quant à l’amélioration structurelle nécessaire pour ce bâtiment historique, il a fallu planifier des reprises en sous œuvre pour la création d’ouvertures dans les murs et planchers, des renforts structurels, et la création d’une cage d’ascenseur en traversant des voûtes et planchers en bois anciens. Les arcs et voûtes ont fait l’objet d’une consolidation par injection de mortiers spéciaux et l’utilisation de techniques spécifiques pour stabiliser les structures anciennes.
Amélioration de l’efficacité énergétique
Un bien immobilier classé monument historique est généralement un bâtiment ancien. La plupart du temps, celui-ci ne correspond pas aux exigences énergétiques actuelles de la Confédération et doit être assaini sur le plan énergétique.
Poser une couche d’isolation externe sur une façade centenaire est inenvisageable car cela aurait pour conséquence d’altérer le caractère architectural du bâtiment. On a donc recours à d’autres options pour isoler ces bâtiments. Les pertes thermiques se font non seulement par les façades, mais également par la toiture, les sous-sols ou les fenêtres. On peut agir sur ces autres éléments tout en laissant la façade en l’état : isolation des combles, pose de fenêtres à haute performance et installation de systèmes de chauffage et climatisation économes en énergie sont des solutions alternatives.
Intégration de technologies modernes
De nouvelles technologies apparaissent et la question de leur compatibilité avec la rénovation des bâtiments historiques se pose. Par exemple, les installations solaires sur des biens culturels ne sont pas interdites. Mais la loi sur l’aménagement du territoire LAT (article 18a) prescrit qu’elles sont soumises à autorisation. Une innovation permettra sans doute de voir à l’avenir plus de bâtiments anciens fonctionner aux énergies solaires. Les fabricants ont mis sur le marché Suisse des tuiles solaires grises qui rappellent nos toits séculaires en ardoise, mais aussi des tuiles solaires de couleur terracotta comme les tuiles traditionnelles.
Notre pays est riche d’un superbe patrimoine architectural. Il convient de préserver sa valeur en rénovant nos bâtiments historiques, même si cela implique de fortes contraintes. Mises en œuvre par des experts qualifiés, de nombreuses solutions existent. Contactez-nous, nos équipes spécialisées sont à l’écoute de vos projets de rénovation de bâtiments historiques et sauront vous accompagner dans la réhabilitation de votre bâtiment.
Sources juridiques :
- Loi de référence : loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS). (Adoptée le 4 juin 1976 et complétée d’un règlement)
- La loi sur les constructions et installations diverses (LCI) comprend des dispositions spécifiques concernant les zones protégées et les ensembles d’immeubles.
- Au niveau fédéral : loi sur l’aménagement du territoire (LAT) – ainsi que son application cantonale (LALAT) – et celle sur la protection de la nature et du paysage (LPN).